Un immense sourire de soulagement illumine soudain le visage de notre voisine de catway installée dans le cockpit de son RM 1180 rutilant, quand elle constate que nous avons réussi à sortir Fou de Bassan de sa place. La veille, très inquiète, elle nous avait demandé à quelle heure nous souhaitions appareiller. Elle n’a pas eu besoin d’intervenir avec son pare-battage volant pour éviter que les deux coques ne se frottent.
Les propriétaires de voilier en époxy affichent toujours une certaine crainte quand un voilier en aluminium, bien plus résistant que le leur, s’amarre à leur côté. Fou de Bassan pèse 11 tonnes quand il est vide.
Nous avons dû extraire notre bateau d’une place pas très sympa, celle sise le plus à l’ouest du port d’Ars-en-Ré, celle dont personne ne veut, tant elle est coincée entre la jetée et le catway. On ne vous racontera pas notre arrivée un peu sportive pour amarrer notre voilier au ponton par 22 nœuds de vent.
Ce matin, nous sommes quand même un peu tendus. Même s’il n’y a pas un souffle d’air et que c’est l’étale, c’est-à-dire le moment entre deux marées où le courant est nul, les manœuvres au port restent un moment délicat. Une difficulté supplémentaire s’ajoute nous concernant. Fou de Bassan est un bi-safran. Ce qui rend les manœuvres compliquées quand il s’agit de reculer, l’arrière du bateau ayant tendance à filer sur bâbord. Pour cette raison, nous envisageons de remplacer notre hélice actuelle peu performante par une hélice Max prop 4 pales. Il paraît que cela nous changera la vie. Nous serons plus manoeuvrants. Mais pour l’instant, pas moyen de mettre la main sur ce Graal à cause des délais de livraison liés au Covid (encore lui) repoussé aux Calandes grecques.
Mais revenons sur le pont.
Ouf, tout s’est bien déroulé, nous pouvons prendre un cap sur l’île d’Yeu, où nous comptons faire un mouillage pour la nuit, avant de poursuivre sur Hoedic (l'île du caneton) par le passage des Soeurs, où nous jetterons l’ancre également pour une nuit avant de ramener Fou de Bassan à son port d’attache au Crouesty.
Hoedic, l'île au caneton, mouillage d'Argol © Elisabeth
Encore retenus par des obligations professionnelles, nous sommes en effet contraints de rentrer en Suisse pour une dizaine de jours avant de pouvoir enfin lever l’ancre «pour de vrai», afin de sillonner les îles de la Bretagne du Sud au Nord, de début juillet à début septembre.
Voilà déjà une année que nous avons acquis notre bateau. Entre les contraintes liées au Covid, nos obligations professionnelles et les problèmes techniques à résoudre, nous n’avons que très peu navigué. C’est la raison pour laquelle, ce matin-ci, nous sommes heureux d’entreprendre ce trajet qui va nous emporter sur les flots pour cent vingt milles marins.
Notre Fou de Bassan vole sur les flots et chante de bonheur.
L’étape Yeu – Hoedic a été un régal. Sous GV et génois, avec un vent de sud-ouest de 17-20 nœuds assez régulier, sans trop de houle et une approche avec un petit challenge sympa pour le passage des Soeurs, suivi d’un mouillage de rêve au port d’Argol.
Nous découvrons enfin ce à quoi ressemble la vraie vie à bord. Pas encore tout-à-fait le dolce farniente dont nous rêvons, car nous devrons quitter l’île demain, mais presque.
Se laisser vivre, bercer par les vagues, tout en prenant le temps.
C’est ce qui nous attend le mois prochain. Dans à peine 14 jours.
Le vrai départ pour l’aventure, ce sera le 14 juillet, depuis le Crouesty, dans un vrai feu d’artifice !
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