La pluie lancinante qui ne cesse de tomber depuis le début du mois de mai n’entame en rien notre moral qui lui est au beau fixe. Nous venons en effet de quitter Lausanne pour une douzaine de jours et prendre la route afin de rejoindre Fou de Bassan qui a été transporté de son ber sur l’eau, au port du Crouesty, dans le Morbihan. Dans 10 heures nous serons à bord.
Notre objectif ? Naviguer pendant une semaine puis amener notre voilier au chantier naval Arzal Nautique pour une révision du grément dormant, du système hydraulique de la dérive et une révision du chauffage notamment. Sans compter d’autres menues réparations. Ces travaux effectués, nous nous sentirons plus rassurés pour naviguer en toute sécurité. Un prérequis pour naviguer au long cours.
Sensation grisante que celle de savoir qu’on est libre, qu’on n’a plus de compte à rendre à personne. On est dans l’instant présent.
Une jolie synchronicité… la radio diffuse une des chansons phare de Starmania, Quand on arrive en ville, dont les paroles font écho en moi :
« Nous tout ce qu'on veut, c'est être heureux Être heureux avant d'être vieux On n’a pas le temps d'attendre d'avoir trente ans Nous tout ce qu'on veut, c'est être heureux Être heureux avant d'être vieux On prend tout ce qu'on peut en attendant
Quand viendra l'an 2000 on aura quarante ans Si on ne vit pas maintenant, demain il sera trop tard »
Paroles de Daniel Balavoine, Nanette Workman
Belle-Ile en mer, île d’Yeu, Piriac, la Roche Bernard par la Vilaine
Pour une fois, nous ne passons pas trop de temps à bricoler avant de pouvoir naviguer.
Une journée au port à régler quelques détails techniques, et puis hop, nous prenons enfin le large, direction Le port du Palais à Belle-Ile, via le passage du Béniguet. La météo est clémente avec nous.Vent de 20 nœuds, venant de l'ouest. Fou de Bassan avance à une moyenne de 6 à 7 nœuds.
Amarrés à un coffre, nous attendons que la marée soit suffisamment haute pour que le Port du Palais ouvre son écluse. L’escale, collés-serrés contre les autres voiliers, est un délice après ces longs mois de confinement. Ce n’est certainement pas le couvre-feu encore en vigueur, qui tombe à 19h00, qui dissuadera les plaisanciers de prendre des verres sur le pont. Quel bonheur d’entendre ce joyeux brouhaha si typique des terrasses en été, qui fait nous sentir toutes et tous, si vivants.
Le lendemain matin, à la première heure, nous passons à la boulangerie sise sur le quai, qui ouvre son arrière boutique avant l'ouverture officielle, pour que les navigatrices et les navigateurs puissent emporter des vivres.
Tous nos sens sont en éveil. C’est avec une odeur de pain frais qui vient nous chatouiller les narines et le chant des oiseaux pour arrière-fond sonore que nous quittons Belle-Ile pour mettre le cap sur l’île d’Yeu.
Quand les Fous rencontrent les Cybèles
Mélanie, une amie qui navigue autour du monde avec Hervé sur Myriades, m’avait fait mourir de rire quand elle m’avait appris que dans le milieu de la voile, les gens s’appelaient tous et toutes par leurs noms de bateaux. Je la cite : « dans notre entourage on a donc Les Fous, Les Loutres, Les PerdPasLeNord, Les Balthazar, Les Max, Les Pikaioux, Les Fayal, et j’en passe ... »
Puisqu’il en est ainsi, on va aussi employer ce langage. Ainsi, demain, nous avons rendez-vous au port de Joinville de l’île d’Yeu avec les Cybèles – Valérie et François -,qui vivent à bord et naviguent sur un voilier sistership de Fou de Bassan. Nous les avons rencontrés à travers leur blog, à l’époque où nous recherchions des informations sur les OVNI 445.
Valérie a co-créé le groupe Facebook #Femmes en Bateau, un espace précieux pour les navigatrices. Quant à François, il a patiemment répondu à nos nombreux appels quand nous avions des questions techniques. Les OVNIs 445 n’ont plus de secrets pour lui.
Contrairement à ce qui se passe parfois sur les sites de rencontres amoureuses en ligne 😉, notre rencontre virtuelle a donné ainsi naissance à une belle amitié. Un cadeau de l’océan.
De g.à d. : Valérie et Elisabeth; Cybèle et Fou de Bassan; les "Fous" et les "Cybèles"
Merveilleuse Ile d'Yeu
Le vent soufflant à plus de 30 nœuds, nous décidons de prolonger notre séjour à l’Ile D’Yeu, car nous préférons jouer encore la carte de la prudence. Nous en profitons pour louer des vélos – même si pédaler contre les bourrasques est physique – pour faire le tour de l’île.
La partie occidentale est particulièrement attirante avec sa côte sauvage rocheuse granitique, flanquée de criques et de falaises.
Yeu,
Une invitation à la contemplation.
Admirer les vagues qui se forment puis se brisent,
S’émerveiller face au ressac et à l’écume de mer qui naît.
Accueillir le souffle des embruns sur notre visage.
Se remplir d’énergie de vie.
Les vents faiblissant, nous reprenons la mer pour nous rendre au port d'Arzal-Camoël, après une escale aux port de Piriac, la remontée de l'embouchure de la Vilaine et le passage de son écluse - super sympa - et une toute dernière halte au port de la Roche Bernard.
De l’énergie de vie, il en faut pour apprivoiser notre Fou de Bassan.
Nous nous sentons à l’aise quand nous naviguons au large. Notre expérience acquise pendant ces 23 dernières années avec notre Surprise Monhegan sur le lac Léman, où les vents sont capricieux et changeants, y contribue grandement.
Tous les deux, nous aimons préparer la navigation, lire les cartes. De ce côté là, pas trop de souci. En revanche, Fou de Bassan est encore un peu exigeant lors des manœuvres dans les ports, surtout quand ces derniers sont balayés par un vent de 25 nœuds. Nous en sommes encore tout courbaturés. Mais nous sommes confiants que bientôt notre symphonie sera plus harmonieuse.
Être patient avec son bateau, pour l'apprivoiser, comme le renard dans le Petit Prince.
Car rien n’est plus extraordinaire que de pouvoir danser au crépuscule dans le ventre chaud de notre Fou sur des airs de Gigi l’amoroso.
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