A chacun-e son grand voyage. Pour certain.e.s, le « vrai voyage », celui qui vous adoube dans le club des initié.e.s, commence avec la route des alizés, celle qui passe par la Rochelle, les Canaries, les Antilles, le canal de Panama puis l’océan Pacifique. Ou encore celui qui vous fait mettre le cap pour le Pôle sud ou le Pôle nord. Pour nous, le grand voyage a déjà débuté. Et ce « grand voyage », tout aussi extraordinaire, passe modestement par la Bretagne et la découverte d’un nouveau style de vie qui nous apporte son lot de surprises quotidiennes.
Après avoir navigué plusieurs jours dans le Morbihan, nous décidons de passer le passage du Raz de Sein - le mini Cap Horn de l’Europe - pour nous rendre dans le Finistère. Nous sommes tout excités à l’idée de préparer la route pour ce passage mythique. A huit heures du matin, avant d’appareiller depuis notre mouillage dans la baie d’Audierne, une jeune femme, aide de port, vient nous livrer des croissants que nous avons commandés la veille au soir. Une initiative née des jeunes étudiant.e.s qui assurent le service de port chaque été pour gagner un peu d’argent. La journée commence bien.
Nous avons bénéficié d’une très belle météo pour passer le Raz de Sein. Vent d’ouest de 12 à 15 nœuds, très peu de houle et un ciel bleu azur.
La journée finit en beauté puisque nous recevons du monde à bord pour prendre l’apéro. Notre beau-frère Tom avec ses enfants et leurs amis. Dont quatre petits diables, tout excités de découvrir Fou de Bassan, qui courent sur le pont puis s’engouffrent à l’intérieur. La vie dans le carré s’anime pour quelques instants, avant que nous poursuivions notre route vers la anse de Pen Hir, puis Camaret et enfin Brest où nous ferons une escale pour accueillir notre fils Olivier, qui vient nous rejoindre pour quelques jours.
Entre les navigations, la visite des proches à bord, les randos à pied ou à vélo, ainsi que la résolution des problèmes techniques, les jours défilent comme sur un collier de perle quand on vit sur Fou de Bassan.
Nous ne savons pas encore qu’à Brest nous allons faire une jolie rencontre. On dit que promener son chien permet de développer sa vie sociale. C’est un peu pareil avec les voiliers.
De nouveaux amis grâce à Fou de Bassan
Sur le pont de Fou de Bassan amarré tout contre le brise-lame du port du Moulin Blanc, juste derrière deux remorqueurs de sous-marin - autant vous dire que l’endroit n’est pas très romantique – je suis en train d’observer les autres bateaux qui naviguent dans la rade. Un petit crachin typique de la Bretagne tombe d’un ciel gris comme la couleur de l’eau.
Un couple s’approche.
- « Cela vous dérange-t-il si je photographie le nom de votre bateau ? », me demande la dame, avant de poursuivre : « nous avons une amie qui a appelé son voilier du même nom en langue espagnole ».
Quelques échanges plus tard, nous voilà en train de parler voilier et mécanique à bord. Le couple, Cathy et Eric, a déjà fait le tour de la terre sur Manevai. Le Covid les a freinés dans leur élan. Leur bateau est resté en Nouvelle-Zélande tandis qu’ils ont dû rentrer en France. Ils reviendront nous trouver deux jours plus tard au port de l’Aber Wrac'h pour dîner ensemble à bord. Nous sommes devenus amis.
Cette belle rencontre nous permet d’oublier notre misère de la journée. Notre dérive, une quille relevable fonctionnant avec un système de vérin hydraulique, nous joue de mauvais tours. Impossible de la relever. Même avec la pompe manuelle. Il y a un problème au niveau du circuit qui active celle-ci. Ne me demandez pas de vous expliquer la panne, j’en serai incapable. Être équipés d'une dérive relevable possède ses avantages. Quand cette dernière est relevée, notre tirant d’eau est de 1,05 mètres, ce qui nous permet de naviguer en toute sécurité quand les fonds sont peu profonds. Quand elle est en bas, notre tirant d'eau est de 3 mètres. Du coup, certains accès deviennent plus compliqués. Heureusement, nous avons réussi à trouver un spécialiste qui a réglé temporairement le problème.
Un échouage amusant
Nous sommes contents d'avoir une belle compagnie ainsi que du renfort à bord.
Avec notre fils Olivier, nous faisons de magnifiques navigations - un peu musclées - avec des vents de 23 à 27 noeuds et des creux de 3 mètres entre Brest et Roscoff, en nous arrêtant aux îles de Molène et de Batz. Deux destinations coups de coeur.
A Batz, nous échouons Fou de Bassan pour la première fois. Je vous rassure. Nous ne sommes pas arrivés contre des rochers. Nous avons simplement posé la panse de Fou de Bassan sur du sable. Une expérience amusante. C'est notre grand voyage à nous.
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